2011-12-16

Apprendre Twitter à l’école maternelle .

Apprendre les réseaux sociaux à l’école maternelle .

Ces derniers mois ont vu un nombre croissant d’enseignants se tourner vers l’utilisation des réseaux sociaux dans le cadre de leur pratique de classe. Il semble que le réseau Twitter leur ait offert un terrain d’expérimentation pédagogique. Pour s’en convaincre il suffit de consulter le travail de B. Formet sur le « posterous » Twittclasses qui répertorie les classes qui « twittent » et propose nombre de liens questionnant cette pratique émergente.
A l’école maternelle seulement 3 classes, d’aujourd’hui se sont engagées dans cette découverte. Pourquoi se lancer dans un tel travail en maternelle ? Pour qui ? Pour apprendre quoi ? Et à qui ? . Telles sont les questions qui se sont posées, dés le début du projet que je mène en classe de moyenne et grande section depuis le mois de mai 2011, « @camusmat04 » dans une école maternelle de Talence près de Bordeaux.
Dans cet article je laisserai délibérément de côté, l’intérêt pédagogique lié à la production d’écrit, à l’expression et la communication pour questionner les problèmes liés à l’apprentissage des réseaux sociaux et plus généralement du web 2.0.
Investir les réseaux sociaux n’est pas sans risques, il suffit de constater certaines dérives générées par une utilisation de Facebook, sans contrôle et sans apprentissage. Dans le cadre de la classe il convient donc d’être d’une grande prudence.
Il m’a paru nécessaire de travailler dans deux directions. Tout d’abord en direction des élèves dans le cadre de l’utilisation de Twitter dans la classe et en second lieu en direction des parents, en les associant étroitement au projet.

1 . Un Projet d’écriture porteur de sens au quotidien.

En deux mots. Le projet est bâtit autour d’un atelier d’écriture quotidien pour informer les parents de certaines activités de la classe. Les élèves produisent donc un texte quotidiennement. Ce petit texte d’un maximum de 140 caractères (format autorisé par Twitter) est mis en ligne à l’intention de leurs parents.
Le choix des sujets est débattu en classe et soumis au vote lorsqu’il n’y a pas de consensus. Les sujets peuvent sembler parfois anodins « Des ouvriers sont venus pour construire un nouveau garage à vélo » ils sont parfois poétiques « Aujourd’hui Emy a apporté une plume de mouette » mais pas pour autant choisis au hasard. Quand ils décident d’écrire « Aujourd’hui, nous avons remarqué que les feuilles de la chayotte ont poussé. » ce court texte retrace réellement leur préoccupation du moment, celle qui a de l’importance, qui témoigne d’un quotidien collectif.
Ces textes sont tous des moments partagés, le plus souvent agréablement « Thomas a apporté un dragon. Nous jouons avec son dragon dans le château-fort. », mais pas seulement. « Aujourd’hui nous avons perdu au jeu du trésor parce que un élève a parlé pendant le jeu. » évoque la profonde déception collective de ne pas pouvoir continuer à jouer ensemble, peut-être aussi de ne pas pouvoir gagner ce jour là. « Nous avons essayé d’ écrire sorcière sans modèle. Nous avons presque réussi tout seul. » dit l’effort demandé en classe, la difficulté, et la satisfaction de progresser.
Ces textes même très courts ont à mon avis une réelle valeur pour ces enfants, la valeur de leur authenticité. Le plaisir qu’ils ont à les produire est visible pendant ces moments d’écriture. Lorsque après deux mois et demi et 40 messages, j’ai demandé aux élèves s'ils voulaient arrêter d’écrire sur Twitter leur réponse fut unanimement et fermement « NON ! » . L’incompréhension était lisible sur leur visage et la question leur paraissait visiblement saugrenue.
Je leur ai donc demandé pourquoi ils ne voulaient pas arrêter. Les réponses ont été tout d’abord assez convenues, reprenant les arguments utilisés pour la mise en place du projet.
Les élèves se plaçant du côté des parents : « Les parents il faut qu’ils sachent ce qu’il se passe dans la classe. », « Ils ne vont pas savoir. », « Ils vont croire que l’on a pas travaillé. ».
Puis l’argumentaire a tourné autour du contenu de la classe : « Si on écrit pas ils croiront que c’est une journée comme les autres, qu’il n’y a rien de spécial. », « Si on arrête , on ne peut plus travailler sur les phrases »(allusion au travail de lecture effectué à partir de leurs écrits), « comme cela on ne va pas se tromper en racontant des choses de la classe. ».
Insensiblement ils en sont arrivés à des considérations beaucoup plus personnelles : « J’aime bien quand on répète et qu’on entoure les mots. » , ils ont finalement parlé du plaisir qu’ils prenaient à écrire : « C’est rigolo d’écrire des phrases », « J’aime bien que les parents voient notre travail. ». En écrivant sur Twitter: « On apprend l’école et les mots. » fut la touche finale qui à elle seule résumait une grande partie des échanges.
Il y aurait énormément à développer sur la teneur de ces échanges, et sur ce qu’ils révèlent des perceptions qu’ont les élèves de leur vie en classe. Ce que je retiendrais simplement dans le cadre de cet article, c’est que dans une activité d’écriture bâtie autour d’une réelle situation de communication, les élèves disent éprouver du plaisir à écrire. Twitter peut permettre aussi cela.

2 . L ’utilisation de Twitter en classe dans ce projet .

  • Un objectif : Aider les élèves à élaborer une attitude de prudence et de responsabilité dans l’utilisation des réseaux sociaux.
  • Un objet numérique clairement défini: Il s’agit de créer une bulle dans Twitter au sein de laquelle les parents pourront venir chercher des informations sur la vie de la classe. Une sorte de réseau de micro blogging privé, fermé, sur lequel seule la classe peut publier. Les parents suivent le compte de la classe mais la classe ne suit pas les comptes des parents.
  • Adopter une attitude prudente sur le réseau.
Le projet porte sur une communication avec les parents, il a été présenté comme une réponse à la demande des parents qui souhaitaient avoir plus d’information sur ce qui se passe en classe. Les élèves ont voulu répondre favorablement à cette demande.
Il convient donc de permettre aux élèves de contrôler l’accès à cet espace, d'établir un filtre pour les demandes d’abonnement au compte de la classe. Le paramétrage de Twitter permet de "modérer" les demandes d’abonnement en faisant apparaître un bouton « vous avez de nouvelles demandes d’abonnement ».
Chaque demande est ainsi discutée en grand groupe. Elle n’est acceptée que dans la mesure où un élève ou le maître peut assurer au reste de la classe qu’il s’agit de quelqu’un de connu. Cela suppose donc qu’en amont, les parents ont informé leur enfant de leur intention de suivre les messages de la classe et que les élèves peuvent attester de cela. Cela demande d’instaurer un dialogue entre parents et enfants autour de l’utilisation du réseau.
Plusieurs cas de figure ont été rencontrés :
  1. La demande émane d’un parent ( grand-parent, famille …) et l’élève est au courant: la demande est acceptée.
  2. La demande émane d’un parent et l’élève n’est pas au courant: l’ acceptation est reportée et le groupe demande à l’élève de se renseigner auprès de ses parents.
  3. La demande émane d’une personne connue de la classe (stagiaire , intervenant ..) la classe demande confirmation à cette personne.
  4. La demande émane de quelqu’un connu de l’enseignant: La demande est acceptée avec des explications de l’enseignant. (c’est quelqu’un avec qui je travaille , quelqu’un qui s’ intéresse à votre travail …)
  5. La demande émane de quelqu’un d’inconnu mais dont on peut vérifier l’identité ou avec qui on peut entrer en contact ( twittclasses au canada…) : la demande est acceptée.
  6. La demande émane de quelqu’un qui n’est connu de personne : La demande est refusée. ( établissement publicitaire, spam…)
L’important dans ce protocole d’acceptation est de leur faire prendre conscience que l’on peut refuser d’être en relation avec quelqu’un, de mettre les élèves en situation de choix raisonné quand ils ont à faire avec le réseau.
  • Adopter une attitude responsable sur le réseau
Les publications relatent des évènements vécus au sein de la classe. Lors de l’élaboration des messages, le maître rappelle aux élèves que leur texte doit être compréhensible par les parents et qu’il doit informer et/ou expliquer un moment de classe. La priorité est donnée au sens et à la communication destinée à quelqu’un.
Lors des ateliers d’écriture les élèves ont proposé de relater un incident de la classe impliquant l’un d’entre eux. Ils souhaitaient nommer l’enfant responsable de l’incident et dire qu’il avait été puni. Le maître a alors demandé aux élèves s'ils étaient vraiment sûrs de vouloir écrire cela. De cette question est née une discussion qui a conduit les élèves s’interroger sur ce que l’on pouvait publier sur le réseau. Ils ont constaté par eux même que s'ils avaient fait une petite bêtise en classe, ils n’aimeraient pas que leurs parents et tous les autres soient mis au courant. Ils ont donc choisi de revenir sur leur idée de départ et de relater l’incident sans mentionner le nom de l’enfant incriminé. Cet exemple permet de saisir à quel point la régulation proposée par l’adulte et importante et permet aux élève de prendre conscience qu’il est nécessaire de garantir le respect de chacun.
Cette même situation s’est présentée une seconde fois, et spontanément la classe s’est régulée toute seule, des élèves proposant immédiatement de ne pas retenir le sujet en argumentant justement leur propos. On peut donc raisonnablement penser qu’il y a eu un début d’apprentissage de l’utilisation raisonnée du réseau.
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3 . Pour les parents, Twitter est un « autre monde », nouveau, dans lequel ils vivent sans toujours en avoir conscience.
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S'il parait nécessaire et possible d’apprendre les réseaux sociaux aux élèves de classe maternelle, il n’est pas moins important d’amener les parents à l’utilisation ou au moins à la connaissance de ces mêmes réseaux.
La majeure partie des parents n’étaient au départ inscrits sur aucun réseau social. Aucun sur Twitter et très peu sur Facebook. Ce projet a d’une certaine façon, contraint les parents à aller vers le réseau Twitter puisque il était la réponse proposée, à leur demande d’avoir plus d’informations sur la vie de la classe. L’an dernier en deux mois plus de 80% des parents de la classe avaient ouvert un compte Twitter. Il a bien sur fallu les accompagner dans cette démarche. Un tutoriel simple, les a guidés dans la création et le paramétrage de leur compte.
Dans ce projet les enfants conduisent leurs parents dans les mondes numériques. Pour les parents, se voir guidé par un enfants de 4 ans dans l’utilisation des réseaux sociaux ou d’objets numériques comme la tablette tactile, les amène souvent à réagir. C’est de ce constat parfois un peu brutal que peut naître chez ces adultes la prise de conscience de la nécessité d’avoir une sorte de veille éducative sur les nouvelles technologies. En effet si les parents sont déjà dépassés par leurs enfants dans le domaine des nouvelles technologies, qu’en sera-t-il dans 10 ans ?
J’ai pu constater que certains parents ont adhéré très rapidement à cette démarche. Ils étaient avant tout très intéressés par le fait de pouvoir obtenir des informations sur la vie de la classe mais aussi sensibles aux enjeux qui leur avaient été présentés lors de la réunion d’information en début d’année.
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4 . Des écueils repérés durant ce projet.
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Comme nous l’avons vu un certain nombre de précautions, ont été prises dans l’utilisation de Twitter, tant autour du paramétrage du compte de la classe, qu’autour de la publication des messages. L’expérience à mis en lumière de nouveaux écueils, qui demandent toute notre vigilance.
  • Attention aux « hashtag »
Le système de Mot clic (hashtag en anglais) est un système de marquage des messages utilisés par Twitter. Il suffit de faire précéder un mot par # (#mot) pour que le message se trouve ainsi « taggé », marqué. Le hashtag devient aussi un lien qui qui permet d’accéder à tous les autres messages de Twitter comportant le même mot-clic. Très utile sur Twitter pour faire des recherches ce système est à surveiller de très près dans le cadre d’une utilisation en classe.
Un mot clic apparemment anodin peut très bien avoir été déjà utilisé sur Twitter et conduire à des contenus totalement inappropriés à un usage de classe. Cela nous conduit nécessairement à aborder avec les élèves, les dangers que l’on peut rencontrer sur le réseau et dans les contenus en ligne du Web 2.0. Suivant l’âge des élèves, un accompagnement doit être mis en place. Pour ma part, dans l’utilisation en classe, j’ai choisi de ne pas utiliser ces mots clic pour l’instant.
  • Surveiller le paramétrage des comptes parents
La plupart des parents étant néophytes sur les réseaux sociaux, j’ai donc proposé en début d’année une réunion d’information, au cours de laquelle les parents ont été informés du fonctionnement de Twitter et des procédures d’inscription et de sécurité. Je leur ai aussi proposé une notice papier plus détaillée concernant le paramétrage de leur compte et sa mise en sécurité. Je leur ai spécialement demandé de n’utiliser le compte qu’ils ont créé que pour consulter le compte de la classe. S'ils utilisent leur compte pour s’abonner à d’autres compte que celui de la classe, ces abonnements seront visibles par les autres parents eux aussi abonnés au compte de la classe. Si c’est effectivement un choix de leur part, cela ne pose pas de problème particulier. Cependant, le paramétrage par défaut ne met pas leurs données hors de vue des autres. J’ai donc veillé pour chaque compte ouvert, à ce que l’accès à ces informations soit véritablement un choix. Force est de constater que ce n’était pas toujours le cas.
Pour beaucoup de parents l’accès à ces réseaux est une première, cela nécessite visiblement un accompagnement qu’à mon avis il ne faut pas négliger. Pour cela au moment de l’accueil, une machine en classe propose l’accès à Twitter. Ainsi avec eux, il est possible de répondre à leurs interrogations ou parfois même de les accompagner dans le paramétrage de leur compte.
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5 . Découvrir et Apprendre son identité numérique
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L’utilisation du réseau social a opéré dans certains cas une transformation des modalités de communications entre parents et enfants. Certains parents m’ont rapporté le fait que le soir, ils demandaient à leur enfant des précisions sur qu’il avait fait dans la journée, car ils l’avaient lu sur Twitter.
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Le réseau a permis aux parents d’obtenir des informations sur la vie de leur enfant par de nouveaux canaux. Ceci pourrait être vécu par les enfants comme une intrusion dans leur vie personnelle, mais dans la mesure où ce qui est publié a déjà été discuté et choisi, la publicité de ces informations fait qu’ils savent que leur intimité reste préservée.

Nous touchons ici les problématiques fondamentales des réseaux sociaux.
Quelle est notre trace numérique ?
Comment en prendre conscience et se l’approprier ?
Comment en rester maître ?
Comment penser son identité numérique ?
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Ce projet permet de penser raisonnablement que cela peut commencer dès l’école maternelle.

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Merci à
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Compte rendu d’utilisation de la Méta Mallette

Compte rendu d’utilisation de la Méta Mallette

Compte rendu d’utilisation de la Méta Mallette
Philippe GUILLEM
Ecole Maternelle A.Camus 33400 Talence
2010 / 2011

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Objet : Observation d’ une utilisation “non directive” de la Méta-Mallette par des jeunes enfants
Mots Clé : Méta-Mallette, Maternelle, Non directif*
Lien : http://www.pucemuse.com/
Constat de départ :
Enseignant Maître Formateur en Musique et travaillant en collaboration avec le Studio de Création et de Recherche et Informatique et Musique Electroacoustique ( SCRIME Bordeaux I ) j’ai choisi d’utiliser la Méta-Mallette développée par PUCE MUSE, dans ma classe de Moyenne et Grande Section.
Les protocoles d’utilisation de la Méta-Mallette proposés par PUCE MUSE pour les enfants me semblaient très directifs. Leur objectif était à ma connaissance de permettre à un groupe d’interpréter une pièce écrite, dans un temps relativement bref. J’ai choisi d’observer comment des jeunes enfants pouvaient découvrir et s’approprier cet instrument sans protocole pré-établi.
Le dispositif :
La Méta-Mallette est installée en classe en permanence, son accès est libre. Les élèves l’utilisent au moment de l’accueil et lorsqu’ils ont terminé leur activité de classe. Il s’agissait d’une Méta-Mallette version 2 ; avant le passage aux objet 3D . La configuration était simple; 4 manettes contrôlant 4 instruments MémAccel avec leur mapping (configuration) d’origine. Seuls les sons ont été modifiés , chaque instrument utilisant un son différent tiré de la banque fournie avec la mallette. Il est à noter que les sons d’origine n’appelaient pas immédiatement les enfants à se représenter quelque chose de connu( grésillements, sifflements craquements…).
Les Observations :
  1. Phase de découverte libre :
L’observation a duré pendant trois mois, pendant lesquels les élèves avaient la possibilité d’utiliser la Mallette en classe quand et comme bon leur semblait. Les observations ont été faites ponctuellement par prise de note ou enregistrement vidéo.
  • Premières prises en main : Les élèves vont spontanément vers ce nouveau jeu installé dans la classe. Il s’en saisissent soit avec une seule main soit parfois deux mains. Aucune consigne d’utilisation n’est donnée, si ce n’est que l’appareil est relativement fragile et qu’il faut y faire attention au même titre que les autres jeux de la classe. Les élèves manipulent les manettes manifestant leurs interrogations au sujet de l’objet. « Qu’est ce c’est ? » « cela ne marche pas ! » « Comment cela marche ? ». En appuyant accidentellement sur la gâchette, certains déclenchent l’instrument. Les réactions sont vives et les interrogations suscitent rapidement des échanges verbaux, des recherches, des explications entre élèves. Les élèves focalisent uniquement sur l’image.
  • Premiers Jeux : Passée la phase de découverte les élèves commencent à organiser de petit jeux, basés sur ce qui est affiché à l’écran. Essentiellement des jeux construit à partir des objets affichés à l’écran et sur l’association de ces objets à un joueur. Un peu comme dans la cour de récréation ils jouent à « T’es ou ? », « Coucou je suis là ! », « Je suis caché ! » en utilisant le relâchement de la gâchette pour faire disparaître l’objet de l’écran. Ces premiers jeux peuvent voir le jour à partir du moment ou les élèves commencent à associer un objet à l’écran avec un utilisateur du dispositif. Le langage et les échanges permettent ces associations. A partir de cela, les élèves vont pouvoir construire des jeux d’interactions du type « Tous sur lui! », « Tous dans un coin! », « Cache Cache! ».
  • Premières remarques :
  • On observe qu’a ce stade les élèves ne semblent pas tenir compte des sons produits par les instruments. Je n’ai pas noté de marques ou d’attitudes d’écoute dirigées vers le son, de commentaires à propos des sons… Les enfants semblent être avant tout dans l’action, dans le mouvement, et sont accaparés par le mouvement des objets à l’écran. Probablement en écho à leur propre désir de mouvement et d’action.
  • Les échanges verbaux sont au cœur des jeux. Le jeu se situe véritablement devant l’écran entre les protagonistes. La machine semble n’être qu’un support, un moyen de laisser des traces de ce jeu. La machine est partagée au même titre que l’espace physique, à l’image d’un terrain de jeu. Cela renforce, à mon sens les propos de Serge de Laubier qui souhaite proposer un instrument virtuel, collectif, qui préserve et suscite les « échanges réels »; contacts physiques, regards, échanges verbaux au sein d’un espace physique partagé.
  1. Phase de découverte accompagnée :
Nous avons donc été amenés à nous poser suivante: Comment amener ces enfants à prendre conscience des associations Image/Son/Mouvement que propose la Méta-Mallette ?
A ce stade nous avons choisi de travailler dans deux directions. D’une part essayer de faire en sorte que les élèves prennent conscience « sensoriellement » de la présence de ce son. D’autre part de leur proposer la possibilité de mettre du sens sur les sons de l’instrument. Ceci afin que les élèves puissent reconnaître ces sons et les prendre en considération lors de leur jeu avec les instruments.
  1. Accompagnement Sensoriel
Dans ces situations de découverte de l’instrument, à l’évidence les sons étaient perçus par les joueurs; en tout cas ils étaient perçus par toutes les autres personnes présentes en classe à ce moment là. Nous avons donc mis en place des ateliers de Méta-Mallette qui à notre avis devaient permettre aux élèves de mieux prendre en considération les sons produits par les instruments. Par petits groupes de quatre dans une salle isolée du reste de la classe , nous leur avons proposé un atelier composé de 3 temps.
1 Utilisation libre de l’instrument avec la configuration d’origine (4 MémAccel)
2 Utilisation Libre de l’instrument ; écran éteint.
3 Utilisation libre de l’instrument avec écran à nouveau en service.
Lors de la prise en main de l’instrument écran éteint les élèves ont manifesté énormément d’étonnement. Il semblaient percevoir les sons « comme pour la première fois ». Cela se manifestait par: un arrêt du jeu, un arrêt des échanges verbaux, des plages de silence, des postures d’écoute (immobile les yeux grands ouverts ), des essais de « marche / arrêt » avec la production du son.
Lors du troisième temps de l’atelier avec remise en fonction de l’écran. Nous avons constaté la reprise des jeux comme pendant le premier temps de l’atelier. Il semblerait que dans ces cas d’utilisation libre, le jeu avec l’image prévale grandement sur le jeu avec le son, au point de le recouvrir totalement.
  1. Accompagnement Sémantique
  • Sens et langage
Nous avons cherché à proposer aux élèves, des sons qu’ils puissent reconnaître. Pour cela nous avons modifié la configuration initiale en remplaçant les sons d’origine des instruments par des prénoms d’enfants de la classe. La réaction des élèves a été surprenante et instantanée. En découvrant la possibilité de jouer avec les prénoms, ils ont pris des attitudes d’écoute, tout comme lors de la phase « sans écran » des ateliers précédemment cités. Cependant l’écran était toujours allumé et les objets se déplaçaient sur l’écran. Avec la possibilité de mettre un sens sur les sons entendus , les élèves ont pu immédiatement se centrer sur l’écoute des sons de l’instrument. Ils ont pu percevoir et jouer avec les possibilités de modification du sons; choses qui jusqu’alors n’avaient pas été remarquée et encore moins explorée. Il leur était à mon avis plus facile de percevoir les modifications appliquées au son car il connaissaient bien le son initial de référence (prénom). Avec cette configuration d’instrument nous avons pu observer des enfants qui jouaient toujours avec les images de l’écran ,mais qui aussi jouaient avec les déformations qu’ils appliquaient au sons des prénoms de la classe.
Les élèves sont même allés au delà de ces jeux simples. Spontanément ils sont allés vers l’utilisation des instruments pour la construction de petites séquences rythmiques qui manifestement les conduisaient à « danser ». Ils sont sortis des reproductions de jeux « sociaux » pour fabriquer une musique capable de mettre le corps en mouvement.
  • Sens et Corps
Cette année j’ai repris l’utilisation de la Méta-Mallette dans la classe mais dans sa version 3 avec une configuration différente: 1 MémAccel / 2 MémaSample / 1 MémaScratch. Les élèves tout comme lors des essais précédents, se saisissent de l’instrument assez facilement. Les premières découvertes passées, contrairement à ce que l’on avait pu observer lors de la première session, j’ai eu la surprise de voir les élèves danser en même temps qu’ils jouaient la Méta-Mallette. La différence essentielle réside à mon avis, dans le fait que les MémaSamples utilisés étaient programmés avec des boucles de batterie. Visiblement ( audiblement devrais-je dire ) ces boucles comportaient suffisamment de sens pour détourner l’attention des élèves de l’image de l’écran vers le son. Le son était bien présent et pris en compte dans leur jeu. Le corps par la danse manifestait une certaines intelligibilité du son produit par l’instrument.
  1. Quelques éléments de conclusion.
Quelques brèves conclusions à tirer de ces petits moments d’observation.
  • Les enfants sont spontanément très curieux de l’instrument.
  • Ils prennent beaucoup de plaisir à jouer ensemble avec la Mallette.
  • La mallette suscite énormément d’interactions entre les joueurs. Des rires de complicité, des échanges verbaux très divers ( explications, encouragements, ordres, conflits …)
  • Spontanément ils ne considèrent le son que s'ils ont une bonne raison; s'ils comprennent « quelque chose » de ce son. Pour cela il semble nécessaire qu’ils puissent associer ce son à quelque chose de connu, d’intelligible; une parole (prénoms), un comportement (danse). Dans ces deux cas seulement les élèves, interagissent intentionnellement  avec le son. Ils jouent des silences, des répétitions, des boucles, des réponses; ils arrivent à structurer véritablement leur production sonore.
Merci à Estelle Lepinard étudiante en Master de Musicologie qui a conduit les ateliers d’accompagnement sensoriels.
Merci à Serge de Laubier, Nolwen Hugain, et Puce Muse pour leurs conseils et la Méta-Mallette.
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